« Éduque le jeune selon sa voie » : quelques précieux conseils pour l’éducation des enfants.
« Fais pas ci fais pas ça ! Viens ici, mets-toi là ! Attention prends pas froid ! Ou sinon gare à toi ! Mange ta soupe ! Allez, brosse-toi les dents ! Touche pas ça, fais dodo ! Dis papa, dis maman ! … Sois poli, dis merci ! Mets pas tes doigts dans le nez ! C’est l’heure d’aller au lit ! … Ne cours pas dans le couloir ! Sinon panpan cucul ! »
Avouons-le, bien souvent, notre quotidien de super-maman ressemble fortement aux paroles de la chanson de Jacques Dutronc !
Donnant des ordres à longueur de journée, nous sommes devenues des expertes en conjugaison, maîtrisant à la perfection l’art de conjuguer les verbes à l’impératif.
Plus sérieusement, l’éducation des enfants est un rôle à plein temps, un rôle qui nous demande beaucoup d’énergie certes, mais un rôle qui nous place comme pilier dans la vie d’une âme venant tout droit du Ciel.
Éduquer ses enfants, c’est poser les fondements nécessaires à la bonne croissance physique, intellectuelle et spirituelle de chacun d’entre eux.
Mais comment y parvenir ? Pourquoi la méthode qui a réussi à notre aîné, échoue avec notre second ? Que dit la Torah au sujet de l’éducation ? Pour ce faire, nous allons reprendre et comprendre le conseil donné par le très sage roi Salomon qui, des millénaires avant l’émergence de la psychologie de l’enfance, a su donner un précepte des plus importants.
(Re)découvrir la voie propre de nos enfants
Pour commencer, qu’est-ce que l’éducation des enfants ? La langue hébraïque va nous donner une piste afin de comprendre la définition même de l’éducation.
En hébreu, « éducation » se dit « ‘Hinoukh ». Le Gaon de Vilna (immense érudit en Torah du XVIIIe siècle) explique que le terme « ‘Hinoukh » partage les mêmes racines que le mot « ‘Hanoucca », « innovation, inauguration ».
Voilà donc la mission qui nous incombe en tant que parents : « innover, inaugurer nos enfants » ! Mais qu’est-ce que cela veut-il bien dire ?
Innover c’est chercher régulièrement à améliorer quelque chose ou quelqu’un d’existant. De ce fait, il se rapproche du terme « inauguration » qui marque le début d’une évolution importante, une évolution appelée à un certain avenir.
Ainsi, lorsque les Sages enseignent qu’éduquer son enfant, c’est inaugurer son existence [1], c’est l’aider à exister, autrement dit, à se réaliser.
En fin pédagogue, le Gaon de Vilna commente un verset phare sur l’éducation. Ce verset est celui du roi Salomon qui nous prodigue un conseil des plus sages concernant l’éducation de nos enfants: « Éduque le jeune selon sa voie ; car même en vieillissant, il ne s’en détournera pas. » (Proverbes 22 :6)
Le Gaon explique que la « voie » dont il est question ici concerne les inclinations profondes de l’enfant dès sa naissance. En effet, chaque enfant possède sa propre voie, son propre caractère, ses propres capacités qu’il convient en tant que parent de bien discerner.
La première étape consiste donc à découvrir cette spécificité qui lui est propre. Il nous faut parvenir à déceler la voie propre de chacun, percevoir son intériorité, savoir découvrir et révéler le potentiel enfoui en chacun d’eux.
Rav ‘Haïm Sitruk, grand rabbin de France de 1987 à 2008, l’expliquait ainsi : « Éduquer c’est permettre de faire émerger les valeurs enfouies chez l’enfant » [2].
À ce propos, la Torah nous donne un simple et parfait exemple. Lorsque le moment de quitter ce monde arriva, Yaakov (Jacob) appela ses douze fils pour les bénir une dernière fois. Notre Patriarche bénit chacun de ses enfants selon la caractéristique qui lui était propre :
« C’est ainsi que leur père leur parla et les bénit, dispensant à chacun sa bénédiction propre » (Genèse 49 :28). Yaakov sut accomplir son rôle de parent, d’éducateur à merveille : il parvint à bénir chacun selon ses caractéristiques particulières.
Ainsi, tout l’art de la bonne éducation réside dans le fait de savoir discerner le potentiel enfoui dans chacun de nos enfants, chacun d’entre eux étant différent. Il ne s’agit donc pas de les modeler à notre image, mais de les aider à découvrir ce pour quoi D.ieu les a créés, en respectant la voie qui leur est propre.
Conseils pour l’éducation des enfants
Y a-t-il un moyen pour découvrir ou redécouvrir le potentiel qui se cache en chacun de nos enfants ? Comment y parvient-on, sachant qu’il n’y en a pas un qui ressemble à l’autre ? Voici trois conseils qui nous paraissent essentiels à la réussite de cette grande mission :
1. L’observation : En premier lieu, essayez de décrypter et comprendre le tempérament de votre enfant. Les scientifiques distinguent le tempérament du caractère. Le tempérament s’acquiert dès la naissance, il est déterminé par des facteurs biologies, alors que le caractère est un bagage qui s’acquiert tout au long de l’existence et qui bien souvent, est influencé par l’environnement dans lequel évolue l’enfant.
Les deux forment la personnalité. Globalement, les traits de personnalité dépendent à 50% de facteurs génétiques et à 50% d’influences environnementales.
Lorsque nous parlons du « potentiel enfoui », nous parlons du tempérament, ce trait de personnalité qui a été forgé dès le sein maternel par le Créateur du Monde. Le tempérament que l’Éternel donne à chaque individu est une donnée quasi-immuable.
Commencez donc par observer quels sont les traits de personnalité que le Créateur a accordé à votre enfant dès son plus jeune âge. Timide, farceur, grognon, colérique…à vous de noter la façon d’être et de se comporter de votre poupon.
Une fois repérés, aidez votre enfant à cultiver les bons traits de personnalité et redirigez les mauvais vers des objectifs plus constructifs, plus positifs, sans jamais prendre la place de D.ieu en voulant modifier les prédispositions de caractère que le Divin a mis en chacun. Tout dépend de la façon dont ces prédispositions seront orientées.
En d’autres termes, il ne faut pas contrarier la nature de l’enfant. C’est pourquoi la méthode qui a réussi pour votre premier, ne réussira pas forcément pour votre second, chaque nature humaine étant différente.
Avant de passer au prochain conseil, prenons quelques exemples afin de mieux saisir l’importance d’apprendre à connaître son enfant afin de réorienter son mauvais caractère vers un but plus positif.
Enfant têtu : au lieu d’essayer d’éradiquer son entêtement naturel, montrez-lui que son obstination pourrait un jour lui être d’une grande force lorsqu’il s’agira de résister à de mauvaises influences.
Autrement dit, réorientez l’entêtement de votre enfant afin qu’il s’apparente à de la persistance et à de la persévérance face aux épreuves de la vie.
Enseignez-lui que son entêtement pourra l’aider lorsqu’il devra défendre ses valeurs face à des détracteurs, lorsqu’il devra résister et se positionner face aux différentes hérésies qui se pratiquent dans le monde. Bien entendu, lorsque votre enfant se montre têtu envers vous, envers l’enseignement que vous lui inculquez, il est essentiel de le reprendre en lui expliquant pourquoi son comportement vous déplait et en quoi il a tort de réagir ainsi.
Enfant jaloux : guidez votre fils/fille vers une « bonne jalousie », cette jalousie qui envie les bonnes actions ou le bon caractère de quelqu’un d’autre. À ce propos, les Sages d’Israël, dans le Talmud, ont enseigné que le monde ne peut exister sans jalousie, car sans elle, nous n’aurions aucune ambition ! Ils rajoutent :
« La jalousie des sages multiplie la sagesse. » [3] Cela signifie que la jalousie peut s’avérer utile dans le domaine de la spiritualité, parce qu’elle peut motiver la personne à s’améliorer lorsqu’elle voit que les autres se trouvent à un niveau supérieur au sien.
Mais n’est-il pas écrit dans la Torah : « Tu ne convoiteras pas » ? À ce propos, les Sages ont également une réponse. Ces derniers font remarquer que ce commandement est transgressé lorsque l’on désire l’objet même que possède autrui, et non si l’on veut avoir un objet identique à lui.
La « bonne jalousie spirituelle » dont nous parlons ici est celle qui ne cherche pas à nuire son prochain, mais celle qui est utilisée comme source de stimulation pour se perfectionner dans tel ou tel domaine.
Si votre enfant a un ami qui est gentil, généreux, honnête, poli et qu’il se dit : « J’aimerais être comme lui ! », c’est une bonne envie. La jalousie est bonne lorsqu’elle nous pousse à nous améliorer, à vouloir devenir quelqu’un de meilleur. En revanche, elle est extrêmement mauvaise, voire dangereuse, lorsqu’elle nous pousse à la haine ou à de la rivalité.
Sans rentrer dans les détails, une telle jalousie relève d’un manque de foi, d’une insatisfaction profonde et d’une ingratitude envers l’Éternel. La mauvaise jalousie nous empêche en effet d’apprécier et accepter tout ce que D.ieu nous a donné.
Vous l’aurez compris, les exemples sont nombreux…un enfant impatient pourra se donner les moyens d’atteindre ses objectifs, un enfant rêveur aura une capacité à générer des idées innovantes pour le bien d’autrui, un enfant bavard n’aura pas peur d’annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume, etc.
En résumé pour ce premier conseil, même si elle nous déplait fortement, ne cherchons pas à détruire la nature profonde que D.ieu a mis dans chacun de nos enfants, car même en vieillissant, dit le roi Salomon, il ne s’en détournera pas.
Non seulement le roi Salomon conseille d’éduquer le jeune selon sa voie (= sa nature profonde), mais il rajoute que ce dernier restera comme il est ?! Eh oui…En d’autres termes, ce que ce roi riche en sagesse a voulu dire c’est qu’il est extrêmement difficile de changer la nature humaine.
C’est pourquoi au lieu de chercher à modeler nos enfants à notre propre image, demandons plutôt à HaShem (D.ieu) de nous aider à réorienter les « mauvais » traits de caractère de nos bambins vers de nobles vocations.
2. Transmettre dans la joie : Notre rôle de parent, en fin de compte, c’est de communiquer à nos enfants l’envie de grandir. Pour ce faire, rien de mieux que la joie ! La transmission des valeurs et la communication en seront ainsi facilitées. Tout dépend de la manière dont nous faisons passer le message. Notre enthousiasme est un feu qui permet d’embraser les cœurs de nos proches.
D’ailleurs, le roi David a déclaré : « Servez D.ieu avec joie ! » (Psaumes 100 :2).
La joie n’est pas un commandement, c’est la quintessence même de ce à quoi un croyant doit aspirer tout au long de sa vie.
Les Sages ont enseigné que quel que soit le commandement que nous pratiquions (et l’éducation des enfants en fait partie), il faut le faire dans la joie car « la Présence Divine ne repose [sur l’homme] ni par la tristesse, ni par la paresse, ni par la frivolité, ni par la légèreté, ni par la parole, ni par le bavardage inutile, mais seulement à travers une joie liée à une mitsva (commandement) » [4]. La joie est un élément fondamental dans le service de D.ieu.
Le Baal Chem Tov, grand rabbin du XVIIIe siècle, a notamment insisté sur l’importance de servir D.ieu dans la joie (il a d’ailleurs créé le ‘Hassidisme qui est un courant religieux du Judaïsme mettant l’accent sur la ferveur et la communion joyeuse avec D.ieu).
Il a dit : « Gardez à l’esprit en ce qui concerne le Créateur, que “toute la terre est pleine de Sa gloire” (Esaïe 6 :3.) et que sa Chekhina (Présence) est constamment à vos côtés… Soyez toujours joyeux. Pensez et croyez d’une foi parfaite que la Chekhina (Présence Divine) est à vos côtés et veille sur vous. Vous regardez le Créateur, béni soit-il, et le Créateur, béni soit-il, vous regarde. » [5]
De plus, le ‘Hassidisme explique que la Rédemption finale se fera lorsque les gens serviront D.ieu dans une véritable joie. Le lien entre la joie et Machia’h (Messie) est d’ailleurs mis en évidence par le fait que le mot Machia’h (« oint, Messie ») partage exactement les quatre mêmes lettres hébraïques que le mot yisma’h (« qu’il se réjouisse ») [6]. C’est pourquoi, les juifs ‘Hassidiques pratiquent chaque mitsvot (commandement) dans une grande ferveur. C’est ce qui permettra la venue du Messie.
Au Ier siècle de notre ère, l’apôtre Paul le conseillait déjà à l’assemblée de Thessalonique : « Soyez toujours joyeux. Priez sans cesse, exprimez votre reconnaissance en toute circonstance, car c’est la volonté de Dieu pour vous en Yéshoua HaMashia’h. » (1 Thessaloniciens 5 :16-18)
Que le Saint Béni soit-Il nous aide à être un modèle de joie pour nos enfants, invitons le bonheur à notre maison ! À nos impératifs de parents, ajoutons des activités qui favorisent l’émergence de la joie : danses, chants, rires, jeux, dessins, câlins…, il y en a pour tous les goûts !
3. Encourager et valoriser son enfant : Rien ne vaut une bonne parole d’encouragement pour raviver un esprit abattu ! La « psychologie positive » met en avant l’idée que toute relation que nous jugeons comme précieuse nécessite d’être nourrie avec de la reconnaissance, des compliments et des encouragements. Pour donner le meilleur d’elle-même, une personne doit se sentir importante et appréciée pour qui elle est.
« Bravo », « Continue ainsi », « Maman est fière de toi », « C’est très bien »…ces simples expressions sont le moteur des enfants, la force qui les poussera à agir correctement. Un enfant qui sait que ses parents croient en ses capacités et sont là pour l’aider sera doublement motivé à agir de façon positive.
La Torah enseigne que la parole est créatrice. La parole est si forte que la Tradition juive nous enseigne que le monde a été créé grâce à la parole : « Que la lumière soit ! Et la lumière fut ».
Tout ce que nous disons (de positif ou de négatif) a un impact sur notre vie ainsi que sur la vie de la personne qui nous entend et sur laquelle nous avons parlé. Il suffit d’étudier les lois du langage pour s’en convaincre.
Le souffle qui sort de notre bouche possède une dimension divine, nous avons donc la responsabilité d’en préserver la pureté et la sainteté. (Si le sujet vous intéresse, de nombreux articles existent sur le site RencontrerDieu.com. Parmi eux : Souviens-toi de ce que Dieu a fait à Myriam : Une leçon éternelle sur le fléau de la médisance (lachon hara) – Paracha Behaalotekha/Ki Tetsé)
Bien entendu, il ne s’agit pas de féliciter notre enfant à outrance, il est important de le reprendre lorsqu’il se comporte mal, mais il faut savoir le féliciter lorsqu’il agit bien. Comme souvent dans la vie, tout est une question de juste mesure.
Puisse l’Éternel nous aider à raffiner notre parole, à en faire un outil de construction afin d’édifier nos proches !
Conclusion
En définitive, bâtir une personnalité, construire un être, c’est prendre en compte la nature de chacun de nos enfants, « l’éduquer selon sa voie » et savoir rediriger de façon intelligente et sage son caractère.
D.ieu vous a élue pour chacune de ces précieuses âmes qu’Il a choisi de vous confier afin que vous leur appreniez à grandir, se réaliser, se perfectionner jusqu’à atteindre le but élevé et personnel qui leur est destiné en venant dans ce monde.
Demandons à l’Éternel de nous aider à trouver ce qui caractérise nos enfants, leur potentiel enfoui au plus profond de leur âme. Demandons Lui de nous montrer ce qui les passionnera, ce qui contribuera à leur bien-être, et qui les motivera à donner le meilleur d’eux-mêmes.
N’oublions jamais d’agrémenter notre quotidien de joie et de bonnes paroles d’encouragement. Que nous puissions insuffler avec succès l’envie de grandir à nos chers et tendres enfants !
Sim’ha
Sources utilisées pour cette étude :
Rav Eliahou Touitou, Une Mitsva en or : éducation des enfants, éditions Torah-Box, 2015.
Rabbanite Né’hama Epstein, Une vie de femme près d’Hachem, éditions Torah-Box, 2013.
Rav Yossef-‘Haïm Sitruk, Famille juive, éditions Torah-Box, 2016.
- Rav Elihaou Touitou, Une mitsva en or: Education des enfants, Editions Torah-Box, 2015.
- Rav Yossef-‘Haïm Sitruk, Famille juive, éditions Torah-Box, 2016, p. 117.
- Baba Batra, 21a.
- Chabbat 30b.
- Tsavaat Harivash 137.
- Baruch S. Davidson et Naftali Silberberg, « La joie perpétuelle », site Chabad.org.
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Merci pour ces si bons Conseil qui m’encouragent et me fortifient dans mon rôle de maman. Soyez bénis
Avec grande joie! 🙂
Merci pour votre commentaire!
Bénédictions sur vous et votre famille!