Une bonté universelle – Paracha Chemini (Lévitique 9 :1-11 :47)

Lecture
« Voici, parmi les oiseaux, ceux que vous aurez en abomination, et dont on ne mangera pas: l’aigle, l’orfraie et l’aigle de mer; le milan, l’autour et ce qui est de son espèce; le corbeau et toutes ses espèces; l’autruche, le hibou, la mouette, l’épervier et ce qui est de son espèce; le chat-huant, le plongeon et la chouette; le cygne, le pélican et le cormoran; la cigogne, le héron et ce qui est de son espèce, la huppe et la chauve-souris. » (Vayikra/Lévitique 11 :13-19)
Comme souvent, nous aimons commencer l’étude de la paracha en questionnant le texte : Après avoir lu ce passage, quels points communs existe-t-il entre ces animaux ailés interdits à la consommation ?
Certes, ils possèdent tous un bec, des plumes, des pattes avec des griffes, mais ce sont surtout des prédateurs, c’est-à-dire, qu’ils se nourrissent de proies.
Or, en y observant de plus près, parmi ces oiseaux interdits, se trouve la cigogne, elle qui paraît plutôt inoffensive, voire même attachante. De plus, le terme en hébreu pour désigner la cigogne est « ‘hassida », signifiant littéralement « gentille ». Pourquoi Adam, lorsqu’il eut pour mission de nommer tous les animaux de la terre (Genèse 2 :20), nomma la cigogne « ‘hassida/gentille » ?
Nous savons que dans l’optique de la Torah, le nom n’est pas simplement une convention pratique que l’on attribue au hasard, mais le réel reflet de la nature de chaque créature et son rôle à l’intérieur de la Création. Les Sages enseignent qu’Adam avait le pouvoir de connaître l’essence même de chaque animal et de le nommer en conséquence (1). Ainsi, le chien fut nommé « kéléb » qui peut se lire en deux parties « ké lév » signifiant « comme le cœur ». Ne désigne-t-on pas en effet le chien comme étant le meilleur ami de l’homme, lui qui reste fidèle à son maître ? Au sujet de la cigogne, pourquoi est-elle appelée « ‘hassida » ? Rachi explique que c’est parce qu’elle est généreuse (‘hessed/bonté) vis-à-vis des autres membres de son espèce et qu’elle partage avec eux sa nourriture (2).
Trop gentille, dirions-nous ! Mais, arrêtons-nous une minute…si elle est tellement charitable, pourquoi HaShem l’a classée parmi les animaux impurs ? Comme le souligne le Rizhiner Rebbe, c’est parce qu’elle ne fait preuve de bonté qu’avec ses congénères mais ne viendra jamais à l’aide des autres. Elle est parfaitement indifférente au sort des oiseaux des autres espèces. Pour D.ieu, une telle « qualité », à savoir une bonté sélective, n’a rien d’admirable.
Une bonté universelle
La leçon à en tirer est que la bienveillance envers les siens n’est pas suffisante. Si nous faisons une distinction entre un ami et un étranger qui sont dans le même besoin, alors nous ne sommes pas de vrais « gentils ». Le Saint béni soit-Il désire que nous fassions preuve de bonté non seulement envers ceux et celles qui sont « comme nous », autrement dit avec les personnes qui nous sont sympathiques, avec lesquelles nous avons un bon « feeling », mais également envers les personnes avec lesquelles nous n’avons rien en commun. La bonté doit être universelle.
« Voici encore ce qui vient des sages: Il n’est pas bon, dans les jugements, d’avoir égard aux personnes. » (Proverbes 24 :23)
Notre Messie Yéshoua ne nous a-t-Il pas montré l’exemple de la véritable bonté, Lui qui ne s’est pas contenté en tant que Rabbi (Enseignant) de côtoyer uniquement les sages de Sa génération, mais également le peuple ? Les exemples sont nombreux :
– Yéshoua a choisi comme disciples de « simples » pêcheurs de poisson (Matthieu 4 :18) ;
– Yéshoua a enseigné la foule (Marc 3 :32, Luc 5) ;
– Yéshoua a abordé la Samaritaine au puits de Yaakov (3) (Jean 4 :1-30) ;
– Yéshoua a pardonné la femme adultère (Jean 8 :1-11) ;
– Yéshoua a guéri dix lépreux (Luc 17 :11-19) ;
– Yéshoua a rendu la vue à un aveugle-né (Jean 9 :1-41) ;
– …
Tout comme Notre Maître, Ses disciples encourageaient les différentes communautés à adopter une attitude de bonté universelle, sans distinction de personne :
« Mes frères, que votre foi en notre glorieux Seigneur Yéshoua HaMashiah soit exempte de toute acception de personnes. Supposez, en effet, qu’il entre dans votre assemblée un homme avec un anneau d’or et un habit magnifique, et qu’il y entre aussi un pauvre misérablement vêtu; si, tournant vos regards vers celui qui porte l’habit magnifique, vous lui dites: Toi, assieds-toi ici à cette place d’honneur! et si vous dites au pauvre: Toi, tiens-toi là debout! ou bien: Assieds-toi au-dessous de mon marche-pied, ne faites-vous pas en vous-mêmes une distinction, et ne jugez-vous pas sous l’inspiration de pensées mauvaises? » (Jacques 2 :1-4)
« Car devant Dieu il n’y a point d’acception de personnes. » (Romains 2 :11)
« Alors Pierre, ouvrant la bouche, dit: En vérité, je reconnais que Dieu ne fait point acception de personnes, mais qu’en toute nation celui qui le craint et qui pratique la justice lui est agréable. » (Actes 10 : 34-35)
Comment mettre en pratique une bonté universelle ?
Le ‘Hessed, que l’on traduit généralement par « générosité », « bienveillance », « bonté » est l’un des treize attributs dits de « miséricorde ». Manifester son ‘hessed sans rien attendre en retour n’est jamais évident et cela devient encore plus compliqué lorsque le bénéficiaire est une personne étrangère.
Les Sages enseignent que l’un des principes fondamentaux concernant le ‘Hessed est qu’il faut donner en fonction des nécessités spécifiques de l’autre (4). Autrement dit, faire du ‘Hessed, c’est savoir discerner les besoins d’autrui et s’efforcer de les satisfaire. Pour ce faire, ayons en tête le principe très connu d’Hillel l’Ancien qui a enseigné : « Ne fais pas à ton ami ce qui t’est détestable ». Cela implique une certaine sagesse de notre part à nous mettre au niveau de l’autre afin de comprendre ce dont il a réellement besoin. C’est nous mettre à sa place, faire comme si nous vivions la même situation et nous demander : « De quoi a-t-il vraiment besoin ? »
La clé pour prodiguer un véritable ‘Hessed est donc de percevoir les besoins de notre prochain et de nous imaginer ce qui est important à ses yeux et non pas aux nôtres. C’est un travail extrêmement minutieux et délicat qui demande un grand sens de l’observation et de l’écoute. C’est un exercice continu qui doit être renouvelé dans tout type de relation : entre maris et femmes, parents et enfants, frères et sœurs, amis…Nous ne fonctionnions pas tous de la même manière : ce qui pourrait faire plaisir à l’un de nos proches parents, enfants ou amis ne ferait pas plaisir aux autres. Au sein même du couple, l’homme et la femme n’ont pas toujours les mêmes intérêts. Il en est de même au sein de la famille et à plus grande échelle, au sein de la société. Nous l’aurons donc compris, le ‘hessed doit s’accomplir par un service personnel et dirions-nous « à la carte ».
Il existe deux formes principales de ‘hessed : – Premièrement, le ‘hessed peut revêtir une forme « matérielle » en donnant de l’argent, de la nourriture, des cadeaux, des vêtements, etc. – Deuxièmement, nous pouvons faire preuve de bienveillance au travers de nos efforts personnels (paroles bienveillantes, écoute attentive, donner de notre temps, etc.)
Voici quelques exemples assez simples qui vont nous aider à pratiquer le‘hessed de manière universelle, altruiste, sans favoritisme et basé sur les réels besoins de la personne :
- Concéder de l’argent à votre fils qui a travaillé si dur pour pouvoir acheter son premier vélomoteur, tout comme venir en aide à un proche parent qui vient de perdre son travail.
- Préparer avec autant d’application et de joie un bon repas pour votre meilleure amie qui s’est cassé le bras, que pour le nécessiteux qui est assis chaque matin au bout de votre rue.
- Faire un cadeau à votre neveu qui vient de fêter ses douze ans, tout comme à votre grand-mère restée seule depuis le départ de grand-papa, pour lui montrer tout simplement que vous pensez à elle.
- Envoyer des vêtements à des associations caritatives, tout comme donner vos vieux vêtements de grossesse à votre cousine qui attend un bébé.
- Prononcer des paroles réconfortantes à votre petite-fille qui vient de rater son permis de voiture, tout comme à votre collègue qui vient de perdre son père.
- Avoir une écoute attentive envers votre femme qui vous fait part d’un sujet qui lui tient à cœur, tout comme envers votre enfant de six ans qui vous raconte que Jerry, la souris, a (encore) gagné face à Tom, le chat.
- Aider vos enfants aux devoirs, tout comme prendre le temps d’expliquer à vos parents comment utiliser cet engin que nous appelons « smartphone » (et sans hausser les sourcils s’il vous plait !).
- Rendre visite aux malades, tout comme à votre voisine célibataire qui a besoin de parler.
- Sourire à la caissière qui vous semble triste ce matin.
- Trouver du travail à quelqu’un.
- Prier pour une personne selon son besoin.
- Prêter un livre de Torah édifiant …
Nous l’aurons compris, il y a mille et une façons de faire du ‘hessed, non seulement à son propre entourage, mais aussi à la voisine que nous connaissons à peine, à un étranger, voire même à sa belle-mère (je plaisante bien évidemment ! D.ieu sait combien je l’aime !). L’essentiel réside en notre capacité à nous mettre à la place de notre prochain et de percevoir ce dont il a réellement besoin.
Pour terminer, Shimon le Juste, l’un des derniers hommes de la Grande Assemblée, a enseigné que le monde repose sur trois piliers : (1) L’étude de la Torah, (2) le service [de D.ieu], (3) les actes de bienveillance (gmilout ‘hassadim) (5). C’est dire l’importance du ‘hessed, sans toutefois tomber dans un mauvais équilibre où les gens profiteraient de notre bonté afin de nous ruiner ! Comme toute chose, la juste mesure est de mise.
Aidons ainsi D.ieu à faire maintenir Son monde en nous exerçant à Le servir de tout notre cœur, à étudier Sa Sainte Torah et à faire preuve de ‘hessed universel !
Sim’ha
Sources utilisées pour cette étude :
Cette étude est inspiré des articles « Une bonté non casher » de Zalman POSNER, « Seli’hot : le monde repose sur le « hessed », la générosité » de Méïr LONG, « Rée : savoir prodiguer du ‘hessed, du bien aux autres » de Rav Yehonathan GEFEN.
- Radak.
- Rachi ; ‘Houllin 63a.
- À cette époque, les Juifs étaient en désaccord avec les Samaritains.
- Hinoukh, mitsva 479.
- Pirké Avot 1, 2.
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En deuxième lecture , j’en retire le fait que coopérer entre convertis ne peut qu’être bénéfique et que le sectarisme est un mal dont satan doit se régaler 🙂 Merci à tous ceux qui ont coopéré à ce texte bienveillant , rempli de conseils généreux , à suivre avec attention , si tous suivaient ces préceptes la vie serait plus douce . En toute affection Ginette